Lucifer n’a pas perdu que ses ailes
mai 10, 2016
Cet article a fait l’objet d’une publication antérieure sur le site de Smallthings.
Précisons-le tout de suite, Lucifer ne mérite pas d’être pris pour autre chose que ce qu’il est, à savoir un procedural n’ayant véritablement de sulfureux que le nom. Si le pilote avait éveillé notre intérêt, c’est probablement en grande partie parce qu’il semblait concilier la liberté de parole d’un House avec les enjeux et l’univers d’un Supernatural, deux excellents procedurals dans la lignée desquels nulle nouveauté n’aurait à rougir de s’inscrire.
Pourtant, si en une petite saison à peine Lucifer a déjà réussi à nous décevoir, ce n’est pas parce qu’il ne nous propose qu’un emballage un peu différent pour nous servir les mêmes enquêtes que tant d’autres, c’est au contraire parce qu’il réussit finalement assez mal à adopter pleinement les possibilités que lui offre son format pour faire vivre ses personnages et leurs problématiques au-delà des quelques clins d’œil, superficiels mais appuyés, dont il semble très vite s’être contenté.
Quoi de plus riche, en effet, que le potentiel de cette série qui aborde autant la problématique personnelle de l’authenticité, envers les autres autant qu’envers soi-même, que les questions métaphysiques du bien, du mal, du rapport à la transcendance, de la prédestination, … ? L’idée de départ du diable qui prend des vacances pour aider la police de Los Angeles à résoudre des crimes avait beau sembler pour le moins saugrenue, le début de saison a quand même eu le tort d’avoir réussi à nous laisser entrevoir à quel point elle pouvait être riche.
Ce héros sans barrière sociale, qui dit tout ce qui lui passe par la tête avec une candeur déconcertante, capable de faire avouer à chaque suspect ses désirs les plus honteux, cette figure finalement de vérité qui se retrouve confrontée, à son plus grand désarrois, à une autre figure de vérité, non plus celle des pulsions mais celle de la sincérité, tout aussi authentique et pourtant diamétralement opposée, qui va forcer sa remise en question ; tout cela est passionnant et justifierait à lui seul des années de confrontation et de dialogues.
Pourtant, au bout de quelques épisodes à peine, on s’ennuie sec devant Lucifer. Son potentiel est très mal exploité au profit d’enjeux sans grand intérêt. Les interactions manquent de piquant, et tout simplement d’intelligence, pour laisser la place à une bouillie fade de bonnes intentions et l’intrigue semble s’éparpiller sans que rien ne viennent y insuffler la cohérence qui nous éviterait l’indigestion.
Ceci dit, rien n’est pour autant perdu et je ne désespère pas de voir le propos correctement repris en main pour la saison prochaine. J’avoue en tout cas avoir été intriguée par la révélation finale. Croisons les doigts pour que ses scénaristes prennent enfin conscience du potentiel largement inexploité dont ils disposent.