The Affair : la mécanique des corps ou autopsie d’un malentendu

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Probablement l’une des nouveautés les plus enthousiasmantes de la rentrée 2014-2015, The Affair, diffusée sur Showtime, séduit par une mise en scène envoûtante, des personnages charnels, ancrés dans les corps de leurs interprètes, et un procédé narratif original. Si son titre laissait présager le récit d’une rencontre, d’une passion, d’un amour éventuellement, très vite il devient évident que l’essentiel de ce que l’on se propose de nous raconter se situera ailleurs.

Dès les premières minutes, la mort étend son voile sur les personnages, comme sur les paysages. Le ressac des vagues, le vent enivrant, la friabilité du sable, tout nous rappelle à la fois l’implacable course du temps et son reflux perpétuel. La mémoire, impuissante, insignifiante, n’est plus qu’un empilement aléatoire d’instants. Les événements d’hier semblent se mêler à ceux d’aujourd’hui sans que rien ne nous permette de véritablement approcher une quelconque vérité.

Flottants, indéfinis, noyés dans le chaos des expériences auxquelles leur identité est sensée apporter une cohérence, les personnages en deviennent avant toute autre chose des corps. Et c’est par là, et par là seulement, finalement, qu’une rencontre s’avère possible. Si le regard de l’un sur l’autre peut laisser planer l’illusion de moments vécus en commun, le procédé nous montrant les deux points de vue séparément nous révèle l’étendue du malentendu.

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Chacun vit désespérément seul, à jamais sourd et aveugle, transparent et inaudible, inatteignable… mais pas intouchable. Seuls les corps, leur poids, leur odeur, le contact des peaux, peuvent prétendre saisir l’évanescence des individualités. La souffrance, le sexe, bien sûr, mais aussi la maladie, la violence et la mort en deviennent les seules formes d’expérience possibles, le seul horizon de la réalité. Coincé dans cette immanence, chacun cherche vainement un supplément d’âme, un sens, un principe unificateur.

Rien n’indique cependant qu’une telle quête ne soit autre chose qu’une fuite en avant. Les considérations morales, le bonheur ou le malheur n’ont pas plus de réalité que l’amour ou la famille. Les couples et les foyers se font et se défont parce que les corps se confondent ou se repoussent, le reste n’est qu’extrapolation.