Homère et Dallas, Florence Dupont
août 7, 2014
De toutes les lectures que je projette de vous suggérer dans cette section, Homère et Dallas est sans hésitation celle que j’estime la plus inspirante. Elle est probablement en large partie responsable de mon intérêt pour les séries.
Les accros de la première heure crieront sans doute au crime de lèse-majesté mais, même si j’ai durant ma jeunesse regardé, parfois assidument, un certain nombre de séries télévisées, je n’y voyais rien de plus qu’un divertissement, dont je craignais à la limite les ravages abrutissants sur mon jeune cerveau qui avait tellement mieux à faire.
Le débat reste évidemment ouvert et rien ne dit que le temps que je consacre depuis quelques années aux séries ne soit autre chose qu’un monumental gâchis. Si le résultat est donc loin d’être garanti, la démarche et l’objectif, au minimum, sont réfléchis et identifiés grâce à Florence Dupont.
Dans cet ouvrage, en effet, celle-ci nous propose une comparaison très éclairante entre un monument de la culture antique, l’Iliade et l’Odyssée, vestiges d’une tradition orale mythologique foisonnante, et une série, certes à succès, symbole d’industrie culturelle, d’impérialisme américain et de propagande capitaliste, Dallas.
Le projet peut paraître iconoclaste et a sans doute froissé un certain nombre de gardiens autoproclamés de la Culture. Pourtant, lorsque l’on écoute les sériephiles, le terme de mythologie est récurrent et assez pertinent pour décrire l’univers que met en place une série. Le travail de Florence Dupond permet de comprendre en quoi cette intuition de proximité entre les deux types de « production » culturelle est loin d’être superficielle.
Je vous laisserai évidement découvrir la démonstration brillante que constitue ce livre des mots de l’auteur elle-même. Pour ma part, j’en retiens cependant deux éléments principaux que je garde en tête face à toutes les séries que je regarde et/ou analyse : tout d’abord, le fait que chaque série se construise sur un langage qui lui est propre et dont chaque scène ou contenu répétitif, rituel, représente un élément de l’alphabet dont il est possible de chercher le sens, le message, en dehors de leur utilité narrative ; ensuite que les fictions ritualisées sont un mode de célébration des cultures qui les ont produites, notamment à travers la représentation de scènes de la vie quotidienne.
Pour moi, cette lecture a signifié l’ouverture d’un champ d’étude, jusque-là ignoré, dont je suis aujourd’hui, quelques années plus tard, toujours convaincue de la pertinence sociologique et philosophique. D’où le présent site.
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