Le politiquement correct selon South Park

Cet article a fait l’objet d’une publication antérieure sur le site de Smallthings.

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Comme je le disais dans mon bilan 2015, South Park nous a proposé en 2015 une excellente saison, démontrant ainsi si nécessaire, qu’elle n’a rien perdu de sa pertinence et de sa capacité à se réinventer.

Pour tous ceux qui aiment le South Park pourfendeur d’idéologies et de modes absurdes ou hypocrites, le South Park critique qui développe un propos sur le monde contemporain et la manière de ne pas y perdre son identité et son bon sens, cette saison 19 marque sans conteste un retour en force. Non seulement, elle revient ici à un des fondamentaux qui en ont fait un des animés incontournables des deux dernières décennies, à savoir une réflexion sur le politiquement correct et ses nombreux avatars, mais en développant celle-ci sur l’ensemble de ses dix épisodes en un arc narratif bien plus cohérent, elle y trouve un nouveau souffle laissant présager un  renouveau de la série.

Car il ne fait pas de doute que South Park a énormément changé et évolué en 19 années d’existence. Il est loin, le temps où Cartman avait une sonde anale extraterrestre, où Kenny devait mourir et où Stan et Kyle étaient détenteurs de la morale de fin. Certains personnages se sont étoffés, d’autres ont disparu, l’animation s’est améliorée, on pourrait dire que la série a grandi avec son public (et ses créateurs, sans aucun doute) et pourtant elle est restée parfaitement cohérente avec elle-même.

Ainsi, le premier épisode de cette nouvelle saison se termine sur une des figures les plus familières aux fidèles, celle d’un chaos généralisé, absurde et violent, que parvient à arrêter la seule parole de Kyle, à savoir de celui qui est capable de tirer les leçons de ce qui vient de se passer. Cette scène traditionnelle est cependant ici intelligemment détournée au profit non pas d’un compromis raisonnable mais d’une soumission pure et simple à une forme de pensée unique que représenterait le nouveau principal de l’école, le politiquement correct. Inutile de dire que de cette transgression première ne pourra que découler l’enchaînement des événements que relatent les neuf épisodes suivants.

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Contre toute attente, et tout bon sens, South Park devient donc un modèle de tolérance et lutte contre toutes les formes de micro-agressions que subissent les minorités. Bien sûr, cette adhésion n’est que superficielle et ne repose absolument pas sur une réelle prise de conscience des injustices. Au contraire des paysans locaux et des enfants qui restent en retrait et observent les changements en cours sans perdre leur esprit critique et leur franc-parler entre eux, ce sont comme toujours les adultes qui se lancent dans cette mode, comme dans des dizaines d’autres auparavant, par bêtise et par conformisme.

Ainsi, l’engouement pour la pensée « PC », dont Randy Marsh est comme toujours la tête de proue, procède en réalité d’une fascination pour un mode de vie et de consommation distinctif, plus bourgeois et donc plus cher, incarné par les magasins Whole Food. Mais cette nouvelle forme de conformisme ne s’accompagne ni d’une plus grande attention aux injustices sociales, comme le montre l’intégration de la maison des McCormick au quartier branché de Sodosopa ou les violences policières finalement tolérées contre les SDF, ni d’une conscience politique ou d’une réflexion sur la portée des mesures anti-harcelement, comme l’indique l’œuvre caritative permettant à des enfants du tiers-monde de nettoyer internet de tout propos désobligeants.

Le constat aurait pu s’arrêter là, c’est d’ailleurs la version à laquelle Leslie parvient à faire adhérer Kyle, celle d’une idéologie de la tolérance plus violente que les injustices qu’elle prétend combattre, il aurait cependant manqué de nuance. Malgré son positionnement toujours très méfiant envers le politiquement correct, South Park démontre une fois de plus que c’est l’adhésion aveugle et superficielle qu’il s’agit de fustiger et non l’intention qui en est à l’origine.

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Or, pour ce faire, quoi de mieux qu’une autre figure récurrente de la série, celle du complot mondial, voire généralement interplanétaire ou extra-humain, nous révélant que les enjeux se situent en réalité sur un tout autre plan que celui sur lequel les personnages se foutent sur la gueule ? En bref, la vérité est ailleurs… En l’occurrence ici dans l’invasion du monde par une publicité évolutive et de plus en plus intelligente, dont la pensée « PC » n’aurait été que l’outil involontaire.

Si South Park reste donc résolument South Park, elle démontre dans sa saison 19 la finesse de son propos, toujours en guerre contre le dogmatisme, en faisant sienne une des réflexions les plusinterrogées par les séries ces dernières années, à savoir la prise en compte de la diversité. Nul doute que la réponse qu’elle y apporte, au-delà de l’absurde et de l’humour, a de quoi faire réfléchir et aiguiser notre pensée critique.