New Girl ou l’insoutenable gravité de l’existence

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En nous proposant de suivre les histoires d’amour, d’amitié, de travail de quelques trentenaires, qui se trouvent être colocataires, New Girl a toutes les apparences de la comédie classique. Diffusée sur la FOX, d’un format sitcom, avec des décors lumineux et colorés et une actrice principale très en vue, rien ne permet à priori d’en attendre plus qu’un moment de détente avec des personnages drôles et attachants.

Pourtant, si l’on n’a pas été rebuté d’avance par son titre « girly », l’image médiatique de son actrice ou son abord banal, et que l’on se laisse porter par l’univers qui nous est proposé, on découvre malgré tout assez vite que New Girl, ce n’est pas seulement des blagues entre potes saupoudrées d’un message universel sur l’importance de l’amitié et le passage à la maturité.

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Bien sûr on rigole, mais pas tant de blagues que de l’absurdité des situations et des personnages. C’est moins leurs actions que leur immobilisme, leur impossibilité d’avancer qui génère le comique. Bien sûr, l’amitié y est présente, mais pas pour autant célébrée par des embrassades ou des discours. L’amitié se trouve ici plutôt définie par la reconnaissance en l’autre d’un destin commun, d’une manière commune d’être dans ce monde. Chacun reste cependant bel et bien, profondément et irrémédiablement, seul. Bien sûr, ils ont trente ans, un métier, des responsabilités mais il n’est pas question ici d’assister à leur évolution. Ils ne se construisent pas une vie, ils ne s’installent pas, ils ne suivent aucun plan. Chaque avancée, qu’il s’agisse de la mise en couple ou de la carrière, n’est qu’un pas dans une direction qui sera bientôt suivi de deux dans une autre.

Loin d’être aussi légère que son générique ne nous le laisse entendre, cette série porte en son cœur, souvent enfui comme celui de ses personnages, une vision plutôt désenchantée de l’existence. On s’amuse, on rit, on chante, on danse, on sort, mais personne n’est véritablement dupe. Tous savent, et le téléspectateur avec eux, que cette effervescence n’est qu’une fuite en avant, que cette superficialité cache tant bien que mal un constat plutôt tragique (bien que ce terme lui-même est empreint d’une profondeur qui leur sied mal) : rien ne peut véritablement être grave car vivre avec soi, avec ses échecs, ses blessures, son inconsistance et sa rigidité, est déjà trop lourd à porter.

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La conscience de soi, de ses manies, de ses angoisses, de sa culpabilité, de son avenir gâché d’avance, est omniprésente. Incapables d’y échapper, englués, nos personnages s’attachent à des gesticulations de surface, sachant que ce qui compte vraiment est d’ors et déjà joué. Bien sûr l’amour est présent, la rencontre se fait bel et bien à certains moments mais de celle-ci jamais le couple ne semble devoir s’instituer. Bien trop individualisés, conscients de leur irréductibilité, ils ne peuvent prétendre former autre chose, plus, qu’eux-mêmes. On ne parle pas ici de la pratique peur de s’engager qui permet de rallonger la sauce des histoires d’amour que l’on nous sert. Il s’agit de quelque chose de plus fondamental, existentiel : le poids d’être soi, et rien d’autre, que ne peut rendre supportable que l’ironie, la légèreté, l’insaisissable beauté de l’instant.

En cela, je crois que New Girl nous propose une vision immanente (parce qu’elle ne peut plus croire aux idéaux, voire même à la trajectoire prédéfinie de la vie, des décennies précédentes) et pragmatique (parce qu’elle n’abandonne pas pour autant et propose de faire ce qu’on peut malgré tout pour ne pas sombrer dans la déprime) de l’existence qui en fait un reflet assez fidèle d’une génération : les pieds sur terre mais un goût certain pour le spectacle (entertainment).

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P.S. : Il est intéressant de noter que l’on retrouve la même impossibilité de l’engagement, surtout représentée par les railleries dont fait constamment l’objet Britta et son rapport toujours très superficiel à la rébellion, dans une autre comédie très contemporaine, Community. Et, là aussi, le seul véritable moyen de faire lien, de se connecter aux autres et d’être simplement au monde passe par le divertissement, le partage d’un horizon commun, culturel et imaginaire, une vie déterminée par son immersion dans la société des loisirs. Ce qui compte, c’est le chemin, l’ici et le maintenant, sans doute aussi en partie parce qu’il n’y a plus véritablement de destination, de but, qui ait un sens suffisant pour en donner à tout le reste.

Pour poursuivre la réflexion, un article et un podcast.

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