Shameless (US), le pire et le meilleur

Shameless Showtime

Série abandonnée suite à un pilote peu convaincant, shameless fait partie de ces séries qui se dévore une fois rentré dedans. En l’occurrence, quelques semaines m’ont suffi pour visionner les cinq saisons au côté desquelles j’étais passé jusque-là.

A l’arrivée, je ne peux pas exactement dire que le bilan soit mitigé car rien n’est tiède ou juste moyen dans Shameless. Pour autant, la réussite est loin d’être totale. A vrai dire, au même titre que certains de ses personnages, la série semble souffrir de maniaco-dépression, le pire y côtoie le meilleur, et mon plaisir n’a jamais pu se départir d’une certaine dose d’énervement. Et la frustration n’en est que plus grande lorsque l’on en constate les énormes qualités.

Car Shameless, est autant une série sur le potentiel, celui qu’on gâche comme celui que l’on révèle à petites touches, que sur le déterminisme qui colle à la peau et auquel on n’échappe jamais longtemps. Or, il ne fait aucun de doute que l’ADN de cette série est saturé d’intelligence et de bêtise, de grâce et de crasse, de possible et d’impossible.

Shameless

Du côté du pire, retenons le traitement grossier avec lequel certains personnages secondaires sont baladés au service des intrigues les plus racoleuses. La recherche du trash, sans doute pour justifier le titre, ne trouve d’équivalent que dans le manifeste désintérêt des scénaristes d’y apporter la moindre crédibilité psychologique. Le personnage de Karen a ainsi été particulièrement malmené en saisons 2 et 3 au point de gâcher l’originalité avec laquelle elle avait été traitée, hors des schémas moraux habituels, en première saison.

Le traitement de la sexualité est rarement le plus réussi dans les séries américaines et Shameless ne fait clairement pas exception à la règle en affichant ad nauseam une attitude décomplexée et ostentatoire sur le sujet sans pour autant éviter la culpabilisation et le jugement moral vis-à-vis de certains. De plus, au même titre que certaines périodes historiques, contrées parallèles servent souvent à justifier un peu rapidement une liberté sexuelle toute exotique (voire une certaine normalisation des violences sexuelles), la situation socialement très précaire des protagonistes semble ici devoir être traité sur le même mode, ce qui décrédibilise sérieusement certaines intrigues sociologiquement plus pertinentes.

Shameless

Ces défauts, ainsi que les très nombreuses intrigues ridicules qui jalonnent ces cinq saisons, s’ils ont le don d’énerver, n’empêchent cependant pas la série de développer en parallèle de très nombreuses qualités.

Le casting, impeccable, donne vie à des personnages tous aussi magnifiques les uns que les autres. Ainsi, rien, ni personne, n’est à jeter dans cette famille. Chacun s’étoffe saison après saison de problématiques à la fois propres et partagées qui leur donnent profondeur tragique et personnalité passionnante. Par ailleurs, si certains personnages secondaires sont malmenés, d’autres comme Mickey et Mandy Milkovich bénéficient d’une évolution progressive particulièrement touchante.

Shameless

Cette famille sur le fil, entre grandeur et décadence, nous invite à explorer la part de détermination, sociale, familiale, génétique, de nos forces et de nos failles, de nos choix et de nos chutes, de notre personnalité et de nos actes. Elle nous montre parfois de l’intérieur la violence et la fragilité d’un mode de survie trop peu représenté. Elle nous donne à voir la beauté sous la saleté. Elle nous fait partager enfin l’angoisse d’en sortir autant que celle d’y rester à jamais.