Les séries modifient-elles notre rapport au monde ?

Nos pratiques, qu’il s’agisse de nos habitudes alimentaires ou de nos moyens de transport, modifient nos besoins et notre perspective. Pas besoin de longues démonstrations pour prouver l’impact de la grande distribution ou de la généralisation de la voiture individuelle sur notre mode de vie.

Mais qu’en est-il de la fiction ?

Le format sériel comme mode en pleine expansion de consommer les récits, imaginaires ou non, laisse-t-il son empreinte sur notre vision du monde ? Et de quel type pourrait-elle être ?

Un tel impact serait probablement difficile à mesurer sans étude approfondie. Par contre, en imaginant comment les séries pourraient modifier notre rapport au monde, peut-être sera-t-on plus amène d’en observer les effets concrets.

Ainsi, si l’on pense le succès des séries comme le passage progressif d’un univers clos et cohérent à un monde multiple et en perpétuelle évolution, sans doute peut-on rendre compte d’une véritable évolution des perspectives et prendre conscience de l’effet du format série par rapport aux intrigues fermées du cinéma et de la littérature.

Dans le même ordre d’idée, le rapport au temps ne peut rester inchangé lorsque l’on passe du film au feuilleton hebdomadaire ou encore plus récemment de la série saisonnière au binge-watching. L’idée que l’on se fait d’une histoire passionnante, d’un amour éternel ou d’un suspens savamment distillé ne peut rester inchangée lorsque l’on passe d’un récit de deux heures à quelques saisons, sans savoir combien à l’avance.

Des éléments comme le quotidien, l’intimité, les relations interpersonnelles, le voyage, les temps morts, qui faisaient auparavant l’objet d’ellipses, constitueront peu à peu le cœur vibrant de votre histoire.

L’idée de résolution d’une intrigue perdra peu à peu de son importance sachant qu’une autre suivra au prochain épisode ou à la prochaine saison.

On peut évidemment regretter le caractère fini et satisfaisant des récits fermés et, autant que possible, on préfèrera les séries qui ont réussi à donner une véritable fin à leur propos.

Mais il faut reconnaitre aussi qu’en terme de série le voyage compte plus que l’arrivée, le quotidien que l’exceptionnel, les petits plaisirs que les grands idéaux.

(Sujet de l’émission 16)