Dawson’s Creek et le rôle de la fiction

 

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Oui, oui, je vous entends déjà ricaner mais, même si ça me fait beaucoup de peine, je vais ravaler mes larmes et tenter d’expliquer aux béotiens que vous êtes pourquoi Dawson est une série qui mérite qu’on s’y attarde (et on ne rigole pas là-bas dans le fond, je vous ai vu).
Soyons clair, ses défauts sont, il est vrai, à peine supportables : ça pleurniche, ça ne sait pas ce que ça veut, ça se croit adulte alors que ça réagit comme des gamins, … Bref, on dirait presque que ce sont des adolescents, quoi !
Si l’on considère ce premier niveau de lecture, justement, il me semble que Dawson est bien la seule série pour ados qui parle vraiment d’ados à des ados. Et c’est bien le minimum d’attente que l’on peut en avoir !


Les personnages vivent dans une situation socio-économique moyenne dans laquelle la plupart d’entre nous peut se retrouver (contrairement aux « Beverly Hills », « Newport Beach », « Gossip Girl » et autre). Leurs problèmes n’ont absolument rien d’exceptionnel. Il s’agit de questions auxquelles sommes tous confrontés : relation aux parents, frontière entre amitié et amour, poursuite des rêves, définition de l’identité, … Bref, une banalité telle que c’en est rafraichissant par rapport aux intrigues improbables que l’on peut rencontrer ailleurs (pas de complot diabolique, pas de poncif éculé sur la dépendance aux drogues ou à l’alcool, pas de « nous sommes une bande de jeunes et nous allons sauver la situation »).
Cette première mise au point faite, venons-en au véritable sujet de cette série, qui en fait la richesse. A travers la représentation des troubles adolescents, il s’agit avant tout d’une longue réflexion sur le rapport entre la fiction et la réalité. Initiée dans l’excellente première saison par son créateur, Kevin Williamson, dont c’est clairement le dada (voir Scream), cette trame est ce sur quoi se fonde tout le reste.

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Dawson Leery est un jeune garçon qui vit entièrement dans son rêve de cinéma. Il est même persuadé que chaque grande question de l’existence trouve une réponse dans les films de Spielberg. Pour contrebalancer cet esprit rêveur, Joe joue la mouche du coche, tentant continuellement de le ramener sur terre où elle le verrait bien jouer le rôle d’homme de sa vie, ce en quoi, elle aussi, cède à ses propres fantasmes.
Chaque épisode, au moins pendant les deux premières saisons s’ouvre sur un film, provoquant toujours un débat sur le caractère fantasmé ou non que l’on peut donner à sa vie. A côté, et parfois au milieu, de cette confrontation entre l’idéalisme du jeune garçon qui manque encore de maturité et le pragmatisme tourmenté de la jeune fille qui a dû faire face trop tôt aux souffrances et nécessités de la vie, Pacey et Jen apportent leurs expériences et semblent mettre en pratique ce que les deux autres ne font souvent que discuter.
De nombreux épisodes sont particulièrement intéressants dans le traitement de ce rapport entre fiction et réalité, autant que pour les références perpétuelles à l’univers des fictions, surtout cinématographiques. Ainsi, par exemple, l’épisode dans lequel Joe passe l’après-midi sur une île avec un beau et riche inconnu qu’elle ne reverra jamais pendant que Dawson tente de recréer l’atmosphère de cinéma qu’il veut donner à son premier baiser avec Jen. Tout cela pour que, finalement, seul Pacey concrétise.

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Entre les reprises cinématographiques, comme l’épisode reprenant la trame du film « Breakfast Club », les nombreux films réalisés au cours de l’histoire par le personnage principal et qui souvent offrent un effet miroir au récit premier, la confrontation des fantasmes et des peurs des deux protagonistes, le rappel perpétuel au traitement fictionnel, du genre « Nous ne sommes pas dans une de ces séries pour ados dans laquelle comme par hasard une université se trouve juste à côté et où tous les personnages ont justement été acceptés » ; tout cela mêlé offre un kaléidoscope de références et d’autoréférences, un empilement sans fin de niveaux de lecture et de « réalité ».
Enfin, le dernier épisode, repris en main pour l’occasion par le créateur originel, offre une véritable clôture, non seulement du récit, mais surtout de la réflexion menée toute ces années, avec un dénouement en deux niveaux de l’intrigue amoureuse centrale : dans la réalité du récit, avec l’un et dans la fiction dans et sur le récit, avec l’autre. Les deux niveaux semblent alors être réconciliés et pouvoir cohabiter.
L’ensemble des six saisons ont été travaillées par l’injonction à grandir, à quitter le monde douillet des rêves, identifié à l’enfance, et dans le même temps par la peur de ne pas parvenir à les réaliser, une fois adulte. Le final clôt ce débat en rappelant que la fiction fait partie intégrante de la vie, que ce soit par le processus de création, bien entendu, mais également pour la part de récit (souvenirs, espoirs, …) qui travaille en permanence notre identité.

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