Friday Night Lights, un patriarcat en l’absence des pères

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Friday Night Lights est une série intéressante à plus d’un titre. C’est le pilote le plus emballant que j’ai eu à voir de ma vie, les personnages sont attachants et très bien incarnés, et puis la manière dont le personnage de Jason Street est traitée me parait particulièrement positive. Elle a néanmoins énormément de défauts également, dont le plus évident est de n’avoir pas été à la hauteur de la promesse que constituait son pilote.
C’est cependant sur le propos que je voudrais m’attarder ici. Il me semble qu’un thème traverse, en effet, l’ensemble de la série : la question des pères. Parmi les nombreuses difficultés que rencontrent les jeunes joueurs du Coach Taylor, l’absence et les nombreux manquements de leurs pères respectifs en forment la pierre angulaire. Face à ce vide, et quoique élevés par leur mère (droguée ou simplement dépassée), grand-mère (sénile) ou grand frère (immature), ces adolescents manquent de modèle pour devenir des hommes dignes de ce nom.
Or, il n’existe dans Friday Night Lights pas de salut en dehors du schéma patriarcal. Seule la figure du coach, sévère mais juste comme un monarque éclairé, maintient ces garçons sur le droit chemin. Grâce à lui et à son exemple, tant sur le terrain que dans sa vie privée, ils peuvent à leur tour développer les qualités qui feront d’eux des pères, des travailleurs, des membres de la communauté : la discipline, la responsabilité, la volonté, la foi.
Ces valeurs mises en avant par la série sont entièrement incarnées par le coach, bien sûr, à l’opposé par exemple de Buddy Garrity qui en est le pendant incomplet, mais aussi très vite par Jason Street dont les parents sont très peu présents malgré les circonstances et qui prend sa vie en main de manière particulièrement exemplaire, vu ses difficultés.
On ne peut d’ailleurs qu’adhérer à ce discours, qui se révèle positif et très mobilisateur, du moins tant qu’on se concentre sur le traitement des personnages masculins.
Dans un monde dans lequel la figure paternelle comme modèle identificatoire est manquante, il était normal que le coach, en tant que modèle de substitution, n’ait que des filles. La série ne nous donne pas l’occasion de voir ce que donnerait l’éducation d’Eric Taylor sur son propre fils, si vraiment sa figure serait si exemplaire que celui-ci ne pourrait qu’être un adolescent puis un homme parfaitement équilibré.
Le coach a donc deux filles, et en particulier une adolescente : Julie. C’est malheureusement là que le propos devient moins clair et beaucoup plus énervant. En effet, Julie ne bénéficie pas du même traitement que les joueurs de son père. Elle est souvent insolente, irresponsable, incohérente, mais ne se voit pas rappeler les valeurs si bien mises en avant par ailleurs. Comme les autres personnages féminins, elle provoque des problèmes que les hommes doivent régler, souvent en en portant la responsabilité à sa place. Son comportement vis-à-vis de sa mère n’est jamais traité par un rappel au respect des valeurs et finit toujours par une réconciliation de compromis. Seule sa liberté à disposer de son corps semble être un enjeu important pour son père.
Bref, quand il s’agit de traiter des femmes, le patriarcat est surtout un paternalisme. Les enjeux et problèmes des filles sont soit d’une importance secondaire, comme un arrière-plan et une ambiance bruyante troublant la paix masculine, soit deviennent les problèmes que doivent finir par assumer les hommes si ça a été trop loin (souvent alors que ces connes avaient été mises en garde). Le retour dans le giron patriarcal reste toujours l’unique issue.
Certains objecteront peut-être que Friday Night Lights est une des rares séries à avoir fait le choix de l’avortement pour l’un de ses personnages et que le coach finit par accepter de lâcher son job pour suivre sa femme là où la mène sa carrière.
Je répondrai en deux temps. Premièrement, l’avortement est manifestement un cheval de bataille pour les scénaristes, qui ont depuis remis le couvert dans Parenthood. La problématique apparait d’ailleurs de manière assez artificielle mais le moins que l’on puisse dire, par contre, pas du tout à l’encontre de la volonté des personnages masculins puisque le personnage qui va s’y opposer avec force est une femme, un peu folle en plus. Deuxièmement, la manière dont se négocie ce déménagement en fin de série n’est absolument pas basée sur des arguments rationnels mais sur fond de négociation, avec petit relent de chantage affectif. Seule la position éclairée et juste du père de famille finit par justifier sa décision.
Il me parait donc léger de considérer que ces deux éléments prouvent que cette série serait, si pas féministe du moins équilibrée. En effet, la force du patriarcat qu’elle érige en valeur est d’incorporer un point de vue bienveillant (paternaliste) sur les enjeux féminins. Reste que c’est aux hommes d’accepter de prendre en compte ce point de vue car sans leur bénédiction, rien n’est possible. Cette position de compromis fait partie de ce qui fera d’eux des vrais hommes, à la manière des monarques éclairés.
Je terminerai en rappelant mon amour pour l’ambiance, les personnages et les valeurs portées par cette série. J’aurais tant aimé que les personnages féminins puissent en bénéficier aussi.

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