Kenny Powers : fierté et identité

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Si les séries me plaisent autant, ce n’est pas seulement pour leur capacité de me faire ressentir des émotions brutes, comme je l’expliquais la semaine passée, c’est aussi pour les nombreuses réflexions qu’elles me permettent de faire naitre au sein de mon esprit malade. Je ne sais jamais quand ou comment, il n’y a à nouveau aucune règle, de qualité par exemple, qui permettrait de garantir une fécondité optimale. Ca m’apparait à un moment sans que je ne sache trop pourquoi.

Cette semaine, la série qui m’a permis ce développement théorique était Eastbound and Down, dont j’ai terminé la saison trois et commencé la saison quatre. Le passage entre ces deux saisons offre l’occasion d’un changement d’angle puisque Kenny Powers abandonne sa carrière sportive pour sa vie amoureuse et sa famille. En début de dernière saison, on retrouve donc notre héros dans le rôle de père de famille modèle au sein d’un pavillon de banlieue et d’un job confortables mais un peu étriqués pour ses aspirations habituelles.
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La séquence est alors assez classique : l’homme, dont l’identité véritable est étouffée par une vie de soumission aux contraintes familiales, reprend son destin en main. Et cela doit repasser, dans un premier temps, par une réaffirmation de sa fierté masculine. Le personnage étant présenté par la série explicitement comme un gros beauf, ce mouvement se fait de manière forcément caricaturale. Mais, si l’on y réfléchit trente secondes, le basculement de Walter White était-il si différent ?
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C’est ici que mon cerveau commence alors à turbiner. La question de la fierté et de son importance fondamentale pour le développement de tout être humain est en effet très présente dans mes réflexions depuis toujours. Or, il faut avouer que même si je m’inscris en faux contre la vision chrétienne la confondant à l’orgueil et en faisant un pêché, je ne peux qu’en constater les représentations peu attirantes qui en sont faites, ainsi que les problèmes que cela soulève.
Dans le cas qui nous occupe, la fierté de Kenny s’exprime de manière machiste et totalement crétine. On peut pourtant y reconnaitre la personnification d’un certain nombre de discours que l’on peut entendre ou lire en réaction à une soi-disant féminisation de la société qui exigerait des hommes qu’ils réaffirment haut et fort leur identité de mâles. En lectrice passionnée de Nietzsche, je ne peux que reconnaitre le regain d’énergie vitale qu’apporte la fierté, ainsi que l’effet dévastateur d’un étouffement de celle-ci. Pourtant, je ne peux adhérer à une expression identitaire reposant sur la domination et une vision hiérarchique de la société.
Est-il donc possible d’être fier sans être un connard fini ? Le choix doit-il forcément se faire entre la répression de soi ou l’écrasement des autres ?
A vrai dire, je crois que répondre à cette question est loin d’être aussi compliqué qu’on pourrait le croire. En effet, il suffit de remettre en cause la prémisse voulant qu’une caricature de virilité constituerait la véritable identité de tout homme. N’est-il pas contradictoire, en effet, que lorsque l’on parle d’exprimer son soi véritable, on en vienne à vouloir endosser un rôle stéréotypé uniquement déterminé par notre sexe ?
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Je ne peux dès lors que regretter que cette séquence de l’homme domestiqué soit si fréquente qu’elle apparaisse à certains comme une évidence sociologique.