Ce que les Zombies nous disent de nos sociétés

the walking dead

En écoutant un de mes podcasts séries préférés (Totally Tubular de TV.com), il y a peu, j’y ai relevé une question qui m’a intéressé : que signifie la fascination culturelle actuelle pour les zombies ? De fait, il s’agit, depuis quelques années, du thème horrifique le plus mobilisateur et décliné.

Or, en bon lecteur de Stephen King que je suis, je me souviens comment il nous expliquait, dans Anatomie de l’horreur, combien la forme que prenaient nos peurs était profondément liée aux enjeux sociaux du moment. Il démontrait ainsi, par exemple, que la mode des films sur les maisons hantées pouvait largement se justifier par l’importance économique que représentait alors l’achat d’une maison.

Du coup, assez naturellement, lorsqu’on observe un engouement massif pour les morts-vivants, il n’est pas totalement inutile de s’interroger sur ce que cela nous dit de nos angoisses les plus intimes et collectives à la fois.

 Bien sûr, les énormes progrès des effets spéciaux ont permis l’épanouissement de ce genre mais cette explication n’en est en vérité pas une, non seulement parce que ces techniques auraient pu se mettre au service de n’importe quelle imagerie mais aussi et surtout parce qu’il est impossible de distinguer les conditions matérielles de réalisation et les idées immatérielles, tant les unes et les autres se répondent et déterminent leur trajectoire mutuelle en permanence.

C’est pourquoi, donc, j’avais envie ici de me prêter au jeu des interprétations.

Z nation

Selon moi, la figure du zombie est le véhicule de deux angoisses contemporaines extrêmement puissantes. La première,  générée par  la contradiction perpétuelle entre l’injonction actuelle de plus en plus pressante à « être soi-même », se démarquer, affirmer son originalité et le sentiment grandissant d’oppression que provoque notre organisation sociale globalisée en société de la masse, tant d’un point de vue culturel que politique ou simplement géographique, trouve dans le mort-vivant, tel qu’il est majoritairement représenté aujourd’hui une incarnation parfaite.

Ayant perdu tout ce qui peut faire sa singularité (on insiste suffisamment sur ce point : il ne leur reste rien de ce qui faisait d’eux des êtres humains avant), le zombie se déplace généralement en horde qui assimile, au sens propre, tout ceux qui se trouvent sur son passage. Le danger de perdre son individualité est donc constant, ce qui nécessite un déploiement proportionnel de ses ressources propres, tant physiques que d’ingéniosité.

Même dans une fiction comme IZombie, dont la portée symbolique est sans doute moins politique que psychologique, en tout cas dans sa saison 1, le risque d’annihilation de la personnalité existe et nécessite de se nourrir de cerveaux d’autres individus, dont l’héroïne se retrouve à devoir adopter un moment les souvenirs et la personnalité, ce qui, soit dit en passant, constitue un processus plutôt intéressant à étudier puisqu’on peut y voir une métaphore de la construction intersubjective de l’individualité. Mais on s’éloigne un peu du sujet.

IZombie

A côté de la peu permanente de l’anonymisation, une seconde angoisse trouve également à s’exprimer dans ces récits, celle de la fin de notre mode de vie tel qu’on le connait actuellement et dont la mort programmée nous est annoncée avec de plus en plus d’insistance, et sans doute de pertinence, depuis deux ou trois décennies.

Ainsi, la visite solennelle d’un magasin, d’une maison, en gros de tout vestige de notre organisation sociale autour de la consommation et des liens familiaux au sens nucléaire du terme, représente un passage obligé de ce genre de fiction, une sorte de séquence formulaire, comme le définit Florence Dupont (Cfr. La mini-présentation que j’ai consacrée à son livre « Homère et Dallas »).

Moments de recueillement, ces scènes sont surtout pour nous l’occasion de célébrer un mode de vie si agréable. Car, si ces fictions adoptent le discours, notamment écologique mais pas que, sur la condamnation de notre mode de vie, elles développent par contre une toute autre idéologie autour de ce constat.

Déjà, l’« Apocalypse » a eu lieu, il n’y a donc plus à s’inquiéter de ce que l’on pourrait faire pour l’éviter, c’est trop tard. Mais surtout, jamais le mode de vie en tant que tel ne fait l’objet d’un discours critique. Au contraire, il constitue une forme de paradis perdu dont la masse, la surpopulation, les autres en tant qu’entité, nous a chassés.

Ainsi, les deux angoisses identifiées finissent-elles par n’en constituer plus qu’une, celle de la foule informe et décérébrée qui menace non seulement mon individualité mais aussi mon mode de vie et ultimement ma survie en étendant son appétit insatiable sur toute la planète.