Tag Archive: pragmatisme

Séries : la destination et le chemin

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En grandissant au sein d’une culture dans laquelle le cinéma et le roman représentaient encore il y a peu le modèle indépassable de la fiction, la consommation grandissante, voire frénétique pour les plus fous d’entre nous, de séries, ainsi que leur accession à une certaine légitimité, nécessite, me semble-t-il, de s’interroger un minimum sur ce que cette transformation peut signifier.

Qu’on le veuille ou non, regarder des séries ce n’est, en effet, pas la même démarche et cela ne répond d’ailleurs probablement pas non plus exactement aux mêmes besoins, que regarder un film. Le rapport au temps en est évidemment changé, et avec lui l’investissement exigé. La série apparaît plus modulable dans un emploi du temps de plus en plus explosé, ce qui procure une sensation de liberté et de facilité, mais entraîne également dans son sillage un attachement et parfois une addiction qui nous « contraint » finalement à y consacrer beaucoup plus de temps.

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Rêve et réalité

Battle Creek

Parmi les nombreuses questions que ressassent en permanence les séries télévisées contemporaines, celle de la nécessité du réalisme est omniprésente. L’époque est parait-il à la difficulté d’accepter l’écart existant entre nos rêves, nos idéaux, et le réel qui leur résiste.
Cette tension, nous pouvons la retrouver dans nos fictions sous de nombreuses formes : le caractère trompeur des apparences (Desperate Housewives, …), la dépression (The Sopranos, …), la difficulté à ce qu’un plan se déroule sans accro (Breaking Bad, …) ou simplement à mener un projet à bien (Episodes, …), les fossés qui séparent bien souvent notre image de nous et celle que nous renvoient les autres (Girls, …) ou bien entre nos idéaux et leur mise en œuvre (Veep, …), l’absence de sens nous aidant à mener nos vies (Community, …) ou même l’absence de réalité partagée (The Affair).

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Emission 2×25 : Rêve et réalité

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Vingt-cinquième émission de la saison 2 diffusée le 11 mars 2015

Pour lire l’article résumant le propos de l’émission, c’est ici.

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Battle Creek ou le réalisme en question

Battle Creek Pilot

Voici que parmi les nouveautés de la semaine nous arrive sur CBS une série aux créateurs prestigieux, Vince Gilligan et David Shore : Battle Creek. Et comme si les ombres de Grégory House et Walter White ne suffisaient pas à donner envie, ajoutons la silhouette de Ryan O’Reilly, étroitement attachée à son interprète, Dean Winters, ainsi que le visage toujours sympathique de Kal Penn. Avouons-le, il y a là  de quoi faire rêver !

Pourtant, lorsque l’on aborde enfin le pilote, et malgré le plaisir de retrouver quelques têtes familières et une forme plutôt soignée, on se trouve un peu surpris, décontenancé, peut-être même déçu de découvrir simplement un très bon Cop Show : crime, enquête, résolution, et la traditionnelle confrontation entre deux personnalités que tout oppose, du moins en apparence. Or, cette tension entre le fantasme et la réalité se trouve justement au centre du propos que nous présente cette première introduction à la série.

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Game of Thrones : un puritanisme pragmatique

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On peut faire du sexe une des composantes principales d’un récit et tenir un propos puritain, c’est une des leçons que nous aura apprise Game of Thrones. Si l’on y pense, cela n’a d’ailleurs rien d’étonnant : la place accordée à un sujet en démontre son importance mais n’indique absolument pas la manière dont il sera traité.

Dans le cas qui nous occupe, la représentation de la sexualité détient manifestement une des clés d’interprétation majeure du propos de la série. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire dans un premier temps, elle n’est ici absolument pas le signe d’une libération des esprits faisant voler en éclats les tabous les plus ancrés, celui de l’inceste en tête. Au contraire, un examen un peu plus approfondi révèle assez rapidement une conception extrêmement stigmatisante du sexe, sous toutes ses formes.

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New Girl ou l’insoutenable gravité de l’existence

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En nous proposant de suivre les histoires d’amour, d’amitié, de travail de quelques trentenaires, qui se trouvent être colocataires, New Girl a toutes les apparences de la comédie classique. Diffusée sur la FOX, d’un format sitcom, avec des décors lumineux et colorés et une actrice principale très en vue, rien ne permet à priori d’en attendre plus qu’un moment de détente avec des personnages drôles et attachants.

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Kaamelott : Contingence, ironie et solidarité

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Si je reprends le titre du livre du philosophe américain, Richard Rorty, pour parler de cette série française, ce n’est pas par hasard. En effet, Alexandre Astier nous propose ici sa version personnelle du pragmatisme tel que nous le décrit Rorty.
Le programme en est ainsi détaillé : tout d’abord, il importe de prendre conscience de la contingence de nos évidences. Relativisation de nos valeurs, démonstration de l’arbitraire du langage, désenchantement à tous les étages. Comment ne pas y reconnaître le propos de Kaamelott qui systématise la formule en faisant du vocabulaire un sujet d’incommunicabilité permanente, en renvoyant toujours les actions les plus nobles aux préoccupations les plus basses, en faisant de tous les éléments sensément enchantés des occasions foireuses.

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South Park et la morale

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Cet article a aussi été publié ici en format PDF.

Introduction

La série animée South Park se caractérise dès les premiers regards par le caractère rudimentaire de son animation, la vulgarité de ses dialogues et la violence qu’elle met en scène. Durant une vingtaine de minutes, humour scatologique, situations sexuellement embarrassantes et grossièretés en tout genre se mêlent au détournement de l’antisémitisme, autant que des stars, des institutions ou des débats de société. Rien ne semble pouvoir être épargné par ce rouleau compresseur de l’irrévérence. Pourtant, invariablement, un quatrième élément vient compléter la recette de cette production médiatique : une morale.
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