Critiques

Breaking Bad et le Mal

1244312_10151874913762722_1854416916_o            n-BREAKING-BAD-large570

Ça a été dit et redit, Breaking Bad retrace sur cinq saisons la naissance et la croissance du Mal. Un monsieur tout le monde, en apparence du moins, voit peu à peu son visage changer du tout au tout lorsqu’il apprend qu’il n’a plus rien à perdre. Si l’on se concentre sur cette métamorphose, la série prend des accents de tragédie classique : assez rapidement il devient évident que le Mal qui anime Walter White, c’est son orgueil. On voit l’Ubris pointer le bout de son nez et on applaudit cette réinterprétation contemporaine d’un thème millénaire.

Pourtant, je suis intimement convaincu que cette figure du héros dévoré par son égo, dont la présence est indubitable, ne constitue pas le noyau du propos de la série sur la nature du Mal. A côté des scènes nous représentant un Walter en manque de reconnaissance, cherchant à reprendre le pouvoir sur sa vie et sur les autres, il en est tant qui nous le montre minable, paniqué, défait, malade et isolé par sa folie, qu’on ne peut prétendre longtemps qu’il s’agit là d’une figure exemplaire du personnage enivré de puissance.

Continuer

New Girl ou l’insoutenable gravité de l’existence

1239618_841255542567766_347274702_n          1941462_837988932894427_1689587945_o

En nous proposant de suivre les histoires d’amour, d’amitié, de travail de quelques trentenaires, qui se trouvent être colocataires, New Girl a toutes les apparences de la comédie classique. Diffusée sur la FOX, d’un format sitcom, avec des décors lumineux et colorés et une actrice principale très en vue, rien ne permet à priori d’en attendre plus qu’un moment de détente avec des personnages drôles et attachants.

Continuer

True Blood : un bilan

E25HBOside

Voilà qu’après tant d’autres nous avons dit au revoir à True Blood, admettons-le tout de suite, sur un mode mineur. Plus personne n’en attendait encore grand-chose, tout le monde regardait d’un œil distrait en attendant que ça se termine enfin. Malgré encore quelques bonnes idées ici et là, les épisodes pleurnichards ou carrément ridicules s’étaient multipliés ces dernières saisons et on avait fini par en oublier les raisons pour lesquelles on avait accroché à cette série.
Pourtant, True Blood était bel et bien une série qui nous avait gardés éveillés plus tard que prévu à une époque. Chaque fin d’épisode était tellement prenante qu’on enchainait avec le suivant. Plus que tout, à ces débuts, la série m’avait surpris par son rythme. Là où on était habitué à une résolution lente des intrigues, True Blood les refermait vite et de manière inattendue pour enchaîner avec deux fois plus d’embrouilles. Ce mode de narration en a fait l’originalité et le succès.

Continuer

Platane, saison 2 : Eric et son nombril

301961_59a6289cb5a7b9bc3630c8087387bfa1
Je ne sais pas si c’est voulu et/ou assumé comme référence par Éric Judor mais le parallèle avec ‘Curb Your Enthusiasm’ de Larry David m’a sauté aux yeux en regardant la saison 2 de ‘Platane’.
J’imagine déjà certain s’étouffer devant cette comparaison. Mais si l’on met de côté l’aura dont certains puristes peuvent affubler Larry David, et HBO, et le snobisme consistant à penser que si c’est français, c’est forcément un cran en dessous, le constat est assez évident.

Continuer

Kaamelott : Contingence, ironie et solidarité

Kaamelott                       413KF3QDQFL._SY344_BO1,204,203,200_

Si je reprends le titre du livre du philosophe américain, Richard Rorty, pour parler de cette série française, ce n’est pas par hasard. En effet, Alexandre Astier nous propose ici sa version personnelle du pragmatisme tel que nous le décrit Rorty.
Le programme en est ainsi détaillé : tout d’abord, il importe de prendre conscience de la contingence de nos évidences. Relativisation de nos valeurs, démonstration de l’arbitraire du langage, désenchantement à tous les étages. Comment ne pas y reconnaître le propos de Kaamelott qui systématise la formule en faisant du vocabulaire un sujet d’incommunicabilité permanente, en renvoyant toujours les actions les plus nobles aux préoccupations les plus basses, en faisant de tous les éléments sensément enchantés des occasions foireuses.

Continuer

Dawson’s Creek et le rôle de la fiction

 

vlcsnap-2013-05-11-20h40m49s56

Oui, oui, je vous entends déjà ricaner mais, même si ça me fait beaucoup de peine, je vais ravaler mes larmes et tenter d’expliquer aux béotiens que vous êtes pourquoi Dawson est une série qui mérite qu’on s’y attarde (et on ne rigole pas là-bas dans le fond, je vous ai vu).
Soyons clair, ses défauts sont, il est vrai, à peine supportables : ça pleurniche, ça ne sait pas ce que ça veut, ça se croit adulte alors que ça réagit comme des gamins, … Bref, on dirait presque que ce sont des adolescents, quoi !
Si l’on considère ce premier niveau de lecture, justement, il me semble que Dawson est bien la seule série pour ados qui parle vraiment d’ados à des ados. Et c’est bien le minimum d’attente que l’on peut en avoir !

Continuer

South Park et la morale

South-Park-Eric-Cartman[1]
Cet article a aussi été publié ici en format PDF.

Introduction

La série animée South Park se caractérise dès les premiers regards par le caractère rudimentaire de son animation, la vulgarité de ses dialogues et la violence qu’elle met en scène. Durant une vingtaine de minutes, humour scatologique, situations sexuellement embarrassantes et grossièretés en tout genre se mêlent au détournement de l’antisémitisme, autant que des stars, des institutions ou des débats de société. Rien ne semble pouvoir être épargné par ce rouleau compresseur de l’irrévérence. Pourtant, invariablement, un quatrième élément vient compléter la recette de cette production médiatique : une morale.
Continuer

Friday Night Lights, un patriarcat en l’absence des pères

Panthers-friday-night-lights-4533983-2560-1707
Friday Night Lights est une série intéressante à plus d’un titre. C’est le pilote le plus emballant que j’ai eu à voir de ma vie, les personnages sont attachants et très bien incarnés, et puis la manière dont le personnage de Jason Street est traitée me parait particulièrement positive. Elle a néanmoins énormément de défauts également, dont le plus évident est de n’avoir pas été à la hauteur de la promesse que constituait son pilote.
C’est cependant sur le propos que je voudrais m’attarder ici. Il me semble qu’un thème traverse, en effet, l’ensemble de la série : la question des pères. Parmi les nombreuses difficultés que rencontrent les jeunes joueurs du Coach Taylor, l’absence et les nombreux manquements de leurs pères respectifs en forment la pierre angulaire. Face à ce vide, et quoique élevés par leur mère (droguée ou simplement dépassée), grand-mère (sénile) ou grand frère (immature), ces adolescents manquent de modèle pour devenir des hommes dignes de ce nom.
Continuer

Mon Dexter, ce super-héros.

dexter_06
« Dexter » s’inscrit dans le sous-genre des récits de super-héros : une double identité/vie, une blessure originelle, un territoire (ville), un délitement moral et social, avec en tête les ratés de la justice, exigeant l’intervention d’un homme providentiel, le danger que tout attachement de sa part fait courir à ses proches, un discours confrontant en permanence la loi des hommes et celle d’un seul (code de Harry), … mais aussi, un développement minimal des enquêtes et des personnages secondaires, le caractère spectaculaire de certains super-vilains, le fait que les proches, tout comme les civils et les victimes, ne servent jamais que de prétextes narratifs.
Continuer