Sériesophie

Ce que vraisemblable veut dire

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Nous avons tenté d’explorer dans un article précédent les différentes formes que pouvaient prendre les séries pour nous parler de la réalité. Cette question en soulevait cependant assez naturellement une autre, celle du critère nous permettant d’adhérer à la représentation proposée. C’est donc sur cet aspect du rapport entre fiction et réel que je me pencherai ici.

Pourquoi certains récits sonnent-ils faux à nos oreilles ? Pourquoi ce jugement n’est pas forcément partagé par mon voisin ? C’est que, contrairement à ce que l’on peut parfois croire un peu rapidement, le réalisme, la prétention à refléter la réalité, n’a que peu de pertinence lorsque l’on parle d’univers fictionnel. En effet, notre rapport à la fiction se caractérisant par la suspension de notre incrédulité, nous sommes en vérité disposés à adhérer à bien plus qu’un simple reflet.

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Comment les séries nous disent-elles la vérité ?

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Si la dimension d’évasion, de divertissement que revêtent nos séries préférées est évidemment essentielle pour comprendre l’intérêt que nous leur portons, il faudrait cependant être particulièrement aveugle pour ne pas remarquer également à quel point celles-ci nous renvoient constamment au réel duquel elles prétendent nous permettre de nous échapper. Plus encore, nous pouvons remarquer qu’un monde imaginaire ne peut jamais prétendre se libérer des règles de la vraisemblance, et plus il s’éloigne du nôtre plus ces dernières s’appliqueront rigoureusement. La cohérence interne de l’univers déployé doit faire écho à une forme de vérité.

La vérité en question peut être de différents types, et, si les plus grands récits réussiront à les combiner, même l’histoire la plus futile, et dépourvue de toute prétention de ce genre, y  participe d’une manière ou d’une autre. Ainsi, sans prétendre à l’exhaustivité, nous pouvons d’emblée identifier quatre points à travers lesquels le réel se mêle à nos fictions.

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Dawson et le sexe

Dawson

Parmi les nombreuses critiques qui ont pu être formulées sur Dawson’s Creek, le traitement de la sexualité mérite une analyse à part. (Les autres, comme le côté pleurnicheur, le sur-place de l’intrigue et les dialogues trop intellos pour certains, sont traités dans l’article « Pourquoi Dawson c’est génial ».)

De fait, la série a donné une représentation si prude et flippée de la sexualité que toutes les séries ados qui ont suivi semblent s’être positionnées sur cette question en réaction, explicite, comme dans le cas de One Tree Hill par exemple, ou pas, à celle-ci.

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Pourquoi Dawson c’est génial ?

Dawson

Si l’on dépasse le côté racoleur, et peut-être un peu provocateur, du titre, qui se veut un clin d’œil au podcast du (presque) même nom consacré à Buffy, la question se pose sérieusement pour moi de savoir pourquoi, malgré les années qui passent, malgré ma culture sérielle qui s’élargit toujours davantage, ne faisant que mettre en évidence un peu plus chaque fois ses nombreux défauts, malgré l’identification de moins en moins évidente avec ses personnages au vu de mon âge avancé ; pourquoi, donc, dans ma vie le besoin d’un retour à Dawson reste toujours aussi vivace.

(N.B.: pour ceux que la longueur de cet article rebuterait, vous trouverez ici une critique précédente sur cette série, beaucoup plus courte et abordable.)

Bien sûr, une part de l’explication peut sans doute se trouver dans un certain nombre de données subjectives, ayant trait à mon vécu et à ma personnalité. Contrairement à un reproche régulièrement formulé à son encontre, par exemple, les dialogues de la série me sont extrêmement réels car, oui, sans doute que je parlais un peu comme ça à l’adolescence.

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Mr Robot, l’éveil par le rêve

Mr Robot

Après un pilote envoutant, mis en ligne deux semaines avant sa diffusion sur USA Network, Mr Robot est vite devenu la nouveauté la plus excitante du moment et son créateur, Sam Esmail le nouveau génie à suivre, laissant tous les sériephiles sur les dents semaine après semaine.

Or, d’emblée, si l’on ne peut évidemment que reconnaitre les qualités objectives de l’interprétation des acteurs, avec en tête bien sûr Rami Malek, mais aussi de la réalisation et de la bande son, le caractère intrinsèquement méta, référencé, assumé par la série nous propulsait dans une nouvelle dimension de ce que pourraient être, à l’avenir, nos fictions.

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Nos séries ont-elles une utilité collective ?

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 Au-delà de l’expérience individuelle que constitue le visionnage de séries (traitée ici), l’imaginaire collectif, mythologique, qu’elles charrient, leur mode de création, production, diffusion et consommation à échelle industrielle, de masse, sans oublier le vécu partagé qu’elles mobilisent (actualité et mode de vie) en font un phénomène social de premier plan.

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Nos séries ont-elles une utilité individuelle ?

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Nous sommes tous bien sûr enclins à  admettre que la raison principale pour laquelle nous nous plongeons régulièrement, voire pour certains d’entre nous presque constamment, dans l’univers que nous proposent nos séries préférées, consiste dans le plaisir que nous y prenons. L’évasion, le rire, la découverte, la catharsis, éventuellement, toutes ces facettes de notre expérience spectatorielle font de ce temps de visionnage de bons moments, globalement satisfaisants.

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Lost et Nietzsche

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Comme toute grande série, Lost peut faire l’objet d’interprétations et de lectures les plus diverses sans pour autant épuiser son sujet. La question du sens me semble cependant y être plus centrale, plus déterminante, plus interpellante qu’ailleurs.

Il y a bien sûr cette fin que l’on ne se lasse de discuter encore et encore. Mais celle-ci n’est l’objet de tant d’attention que parce que, un mystère après l’autre, au fil des épisodes, au fil des saisons, la série n’a eu de cesse de soulever, chez ses personnages, comme chez ses spectateurs, la question du pourquoi. Pourquoi appuyer sur le bouton, pourquoi les monstres les plus divers, pourquoi les mises à l’épreuve et les guérisons, pourquoi partir, pourquoi rester, pourquoi revenir, pourquoi les autres, pourquoi les enfants, pourquoi l’élasticité du temps, … ?

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Séries : la destination et le chemin

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En grandissant au sein d’une culture dans laquelle le cinéma et le roman représentaient encore il y a peu le modèle indépassable de la fiction, la consommation grandissante, voire frénétique pour les plus fous d’entre nous, de séries, ainsi que leur accession à une certaine légitimité, nécessite, me semble-t-il, de s’interroger un minimum sur ce que cette transformation peut signifier.

Qu’on le veuille ou non, regarder des séries ce n’est, en effet, pas la même démarche et cela ne répond d’ailleurs probablement pas non plus exactement aux mêmes besoins, que regarder un film. Le rapport au temps en est évidemment changé, et avec lui l’investissement exigé. La série apparaît plus modulable dans un emploi du temps de plus en plus explosé, ce qui procure une sensation de liberté et de facilité, mais entraîne également dans son sillage un attachement et parfois une addiction qui nous « contraint » finalement à y consacrer beaucoup plus de temps.

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Better Call Saul, leçon 1 : assume le clown en toi

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Voici qu’après dix petits épisodes, la première saison de Better Call Saul a trouvé sa conclusion. Deux constatations s’imposent pour commencer : la série a parfaitement tenu les promesses de son pilote et l’attente va sembler longue avant de connaitre la suite des aventures de Jimmy McGill.

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