Sériesophie

Rêve et réalité

Battle Creek

Parmi les nombreuses questions que ressassent en permanence les séries télévisées contemporaines, celle de la nécessité du réalisme est omniprésente. L’époque est parait-il à la difficulté d’accepter l’écart existant entre nos rêves, nos idéaux, et le réel qui leur résiste.
Cette tension, nous pouvons la retrouver dans nos fictions sous de nombreuses formes : le caractère trompeur des apparences (Desperate Housewives, …), la dépression (The Sopranos, …), la difficulté à ce qu’un plan se déroule sans accro (Breaking Bad, …) ou simplement à mener un projet à bien (Episodes, …), les fossés qui séparent bien souvent notre image de nous et celle que nous renvoient les autres (Girls, …) ou bien entre nos idéaux et leur mise en œuvre (Veep, …), l’absence de sens nous aidant à mener nos vies (Community, …) ou même l’absence de réalité partagée (The Affair).

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The Affair : la mécanique des corps ou autopsie d’un malentendu

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Probablement l’une des nouveautés les plus enthousiasmantes de la rentrée 2014-2015, The Affair, diffusée sur Showtime, séduit par une mise en scène envoûtante, des personnages charnels, ancrés dans les corps de leurs interprètes, et un procédé narratif original. Si son titre laissait présager le récit d’une rencontre, d’une passion, d’un amour éventuellement, très vite il devient évident que l’essentiel de ce que l’on se propose de nous raconter se situera ailleurs.

Dès les premières minutes, la mort étend son voile sur les personnages, comme sur les paysages. Le ressac des vagues, le vent enivrant, la friabilité du sable, tout nous rappelle à la fois l’implacable course du temps et son reflux perpétuel. La mémoire, impuissante, insignifiante, n’est plus qu’un empilement aléatoire d’instants. Les événements d’hier semblent se mêler à ceux d’aujourd’hui sans que rien ne nous permette de véritablement approcher une quelconque vérité.

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Game of Thrones : un puritanisme pragmatique

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On peut faire du sexe une des composantes principales d’un récit et tenir un propos puritain, c’est une des leçons que nous aura apprise Game of Thrones. Si l’on y pense, cela n’a d’ailleurs rien d’étonnant : la place accordée à un sujet en démontre son importance mais n’indique absolument pas la manière dont il sera traité.

Dans le cas qui nous occupe, la représentation de la sexualité détient manifestement une des clés d’interprétation majeure du propos de la série. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire dans un premier temps, elle n’est ici absolument pas le signe d’une libération des esprits faisant voler en éclats les tabous les plus ancrés, celui de l’inceste en tête. Au contraire, un examen un peu plus approfondi révèle assez rapidement une conception extrêmement stigmatisante du sexe, sous toutes ses formes.

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Breaking Bad et le Mal

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Ça a été dit et redit, Breaking Bad retrace sur cinq saisons la naissance et la croissance du Mal. Un monsieur tout le monde, en apparence du moins, voit peu à peu son visage changer du tout au tout lorsqu’il apprend qu’il n’a plus rien à perdre. Si l’on se concentre sur cette métamorphose, la série prend des accents de tragédie classique : assez rapidement il devient évident que le Mal qui anime Walter White, c’est son orgueil. On voit l’Ubris pointer le bout de son nez et on applaudit cette réinterprétation contemporaine d’un thème millénaire.

Pourtant, je suis intimement convaincu que cette figure du héros dévoré par son égo, dont la présence est indubitable, ne constitue pas le noyau du propos de la série sur la nature du Mal. A côté des scènes nous représentant un Walter en manque de reconnaissance, cherchant à reprendre le pouvoir sur sa vie et sur les autres, il en est tant qui nous le montre minable, paniqué, défait, malade et isolé par sa folie, qu’on ne peut prétendre longtemps qu’il s’agit là d’une figure exemplaire du personnage enivré de puissance.

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New Girl ou l’insoutenable gravité de l’existence

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En nous proposant de suivre les histoires d’amour, d’amitié, de travail de quelques trentenaires, qui se trouvent être colocataires, New Girl a toutes les apparences de la comédie classique. Diffusée sur la FOX, d’un format sitcom, avec des décors lumineux et colorés et une actrice principale très en vue, rien ne permet à priori d’en attendre plus qu’un moment de détente avec des personnages drôles et attachants.

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Sexisme et séries

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Depuis quelques temps, grâce à ma lecture régulière d’articles féministes, je suis beaucoup plus sensible au problème du sexisme dans les fictions que je regarde. Il ne m’est plus possible de ne pas tenir compte du paramètre de la représentation des femmes, des hommes et de leurs relations. Ainsi, récemment certaines séries (Sons of Anarchy, Halt and Catch Fire, C.H.O.S.E.N., The Strain, Southland …) et certains films (Gravity, …), dont les critiques étaient plutôt élogieuses par ailleurs, se sont révélés très énervants, voire insupportables, à mes yeux à cause de ce critère. Le sentiment d’isolement, parmi les fans de séries, qui en a découlé explique en partie pourquoi j’ai commencé à estimer légitime de créer ce site et de produire mes propres critiques. En espérant évidemment combler un vide dans la représentation d’une partie, même minime, du public.

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L’ennui et le sériephile

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A présent que le rythme des saisons télé est de moins en moins figé, il ne se passe plus une semaine sans que je ne découvre deux ou trois nouveautés. Pourtant, toutes ne m’inspirent pas un article. Certaines sont intéressantes, d’autres pas, mais la plupart exigent en tout cas confirmation.
Peut-être d’ailleurs aurez-vous remarqué comme moi que les séries exigeant plusieurs épisodes, voire plusieurs saisons pour confirmer leur intérêt sont de plus en plus fréquentes. Si, dans certains cas, comme la saison 4 de The wire par exemple, ce temps long se justifie parfaitement par le récit, dans d’autre, par contre, on a plus l’impression que certains showrunners en manque d’inspiration confondent lenteur et profondeur, propos confus et message réservé aux initiés.

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Critères d’analyse d’une série

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Quoiqu’il ne soit pas question de chercher ici la formule magique de l’objectivité critique, laquelle me parait être non seulement un leurre mais également vaine, car qu’en ferait-on, il me semble que définir des critères d’analyse permet d’interroger sa passion et approfondir sa lecture.
Pour déterminer ces critères, j’ai donc commencé par m’interroger sur les raisons qui me faisaient apprécier les séries que je suis (ou ai suivies). Toutes, en effet, ne m’apportent pas la même chose et mon amour pour Fringe ne repose pas forcément sur les mêmes ressorts que celui pour My Name is Earl. Il aurait bien sûr été possible de détailler et multiplier les critères à l’infini mais mon but était de me constituer un outil, une sorte de mini grille d’analyse, facile à retenir et à manier.

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Kaamelott : Contingence, ironie et solidarité

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Si je reprends le titre du livre du philosophe américain, Richard Rorty, pour parler de cette série française, ce n’est pas par hasard. En effet, Alexandre Astier nous propose ici sa version personnelle du pragmatisme tel que nous le décrit Rorty.
Le programme en est ainsi détaillé : tout d’abord, il importe de prendre conscience de la contingence de nos évidences. Relativisation de nos valeurs, démonstration de l’arbitraire du langage, désenchantement à tous les étages. Comment ne pas y reconnaître le propos de Kaamelott qui systématise la formule en faisant du vocabulaire un sujet d’incommunicabilité permanente, en renvoyant toujours les actions les plus nobles aux préoccupations les plus basses, en faisant de tous les éléments sensément enchantés des occasions foireuses.

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Les séries modifient-elles notre rapport au monde ?

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Nos pratiques, qu’il s’agisse de nos habitudes alimentaires ou de nos moyens de transport, modifient nos besoins et notre perspective. Pas besoin de longues démonstrations pour prouver l’impact de la grande distribution ou de la généralisation de la voiture individuelle sur notre mode de vie.

Mais qu’en est-il de la fiction ?

Le format sériel comme mode en pleine expansion de consommer les récits, imaginaires ou non, laisse-t-il son empreinte sur notre vision du monde ? Et de quel type pourrait-elle être ?

Un tel impact serait probablement difficile à mesurer sans étude approfondie. Par contre, en imaginant comment les séries pourraient modifier notre rapport au monde, peut-être sera-t-on plus amène d’en observer les effets concrets.

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